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L’erreur budgétaire qui fait échouer les transformations

Scott McAllister

5 minutes

The Real Cost of Underfunding Change Management

Au cours des 25 dernières années, j’ai eu le privilège d’accompagner des centaines de PDG et d’équipes dirigeantes dans plus de 40 pays. Et j’ai vu la même histoire se répéter : des stratégies ambitieuses qui n’atteignent pas leurs promesses.

La principale cause d’échec ? Ce n’est ni la technologie ni les processus. C’est le volet humain du changement – systématiquement sous-estimé, sous-financé, et négligé. La réalité, c’est que la technologie et les processus produisent des résultats techniques. Mais ce sont les personnes – les leaders et leurs équipes – qui génèrent les résultats business. Vous pouvez déployer un nouveau système en une nuit, mais les véritables résultats ne se matérialisent que lorsque les collaborateurs adoptent, intègrent et maintiennent de nouvelles façons de travailler. C’est ce qui relie la stratégie à l’exécution, et à la création de valeur – un pont que les dirigeants ont la responsabilité de construire.

Alors que vous entrez dans votre saison de planification stratégique, une question s’impose : vos idées audacieuses vont-elles réussir ou échouer ? La différence ne tient pas seulement à la qualité de votre plan, mais à votre capacité à transformer cette stratégie en résultats concrets, avec et à travers vos équipes.

 

Scott McAllister, CEO de Prosci partage sa vision sur le rôle du leadership dans la réussite du changement dans The CEO Magazine (entretien en anglais).

 

Ce que la plupart des dirigeants comprennent mal du changement

Chaque initiative stratégique – qu’il s’agisse de l’adoption de l’IA, d’un ERP, d’une transformation digitale ou d’une réorganisation – nécessite que les collaborateurs changent leur manière de travailler. Pourtant, la plupart des dirigeants consacrent l’essentiel du budget à la solution technique, et presque rien à l’adoption humaine. Ignorer ce levier critique crée un fossé entre les ambitions du leadership et la création de valeur.

Soyons clairs : il n’existe pas de changement “gratuit”. Vous pouvez choisir d’investir proactivement dans l’accompagnement humain de la transformation, ou bien payer beaucoup plus cher en devant relancer l’initiative une deuxième, troisième, voire quatrième fois. Les échecs en matière de changement sapent la confiance – la vôtre, et celle que l’on place en vous. La vraie question est donc la suivante : jouez-vous pour gagner, avec des investissements proactifs, ou vous contentez-vous d’éviter de perdre, en gérant les coûts de manière réactive ?

Un directeur financier d’un grand groupe du Fortune 500 me l’a dit un jour, sans détour : « On ne finance jamais le volet humain du changement dès la première tentative, mais on semble avoir un budget illimité à la troisième. » C’est le prix à payer quand on ignore la réalité : sans adoption humaine, votre stratégie de transformation peine à produire la valeur attendue.

Chaque délai non respecté, chaque collaborateur frustré, chaque expérience client dégradée a un impact direct sur les résultats – et aujourd’hui, les dirigeants en répondent personnellement. La première moitié de 2025 a connu un nombre record de départs de PDG, avec 1 235 départs enregistrés d’ici juin, soit une hausse de 12 % par rapport à 2024. Les raisons de ces départs sont multiples, mais une chose est claire : les dirigeants qui comptent sur une adoption spontanée des transformations doivent souvent expliquer à leur conseil d’administration pourquoi les résultats ne sont pas au rendez-vous.

 

Le déficit de leadership qui nuit au succès du changement

Les dirigeants vivent avec la tête dans l’état futur, tandis que les équipes de première ligne sont encore bien ancrées dans la réalité actuelle. Cela nous pousse à sous-estimer la durée réelle des transitions organisationnelles — nous pensons souvent avec plusieurs mois, voire années d’avance sur nos collaborateurs.

Je rappelle souvent aux dirigeants qu’ils sont victimes de ce que l’on appelle la malédiction du savoir.
Votre email, aussi clair soit-il, ne permettra pas à vos équipes de rattraper instantanément le chemin que vous avez déjà parcouru. Il faut accepter que le changement est un processus, et que chacun avance à son propre rythme.

Les dirigeants doivent également enrichir leur boîte à outils. Le modèle de commandement et de contrôle des années 1980-1990 n’est plus aussi efficace qu’avant. En tant que jeune professionnel, quand mon manager me disait « Saute », je répondais « À quelle hauteur ? ». Aujourd’hui, si je demande à quelqu’un dans mon organisation de sauter, la première réaction sera : « Pourquoi sauter ? Pourquoi maintenant ? Je vais y réfléchir... ou peut-être pas. »

Ce n’est pas de la résistance — c’est la nature humaine. Et c’est précisément pour cela que, selon nos recherches menées sur plus de trente ans, le sponsorship actif et visible de la direction reste le facteur numéro un de succès du changement.

Le retour sur investissement d’un changement bien fait

Quel est le coût d’un changement mal géré comparé à l’investissement nécessaire pour bien le faire ?

Nos recherches sur l’efficacité de la gestion du changement montrent que passer d’une gestion du changement médiocre à excellente vous rend sept fois plus susceptible d’atteindre vos objectifs. Mais ce qui est peut-être encore plus intéressant, c’est que passer simplement de médiocre à « passable » — un seul pas en dehors de la zone critique — triple vos chances de succès. En matière de changement, le progrès prime sur la perfection.

Pourtant, la majorité des budgets allouent moins de 5 % au volet humain du changement. D’après mon expérience, les organisations qui réussissent systématiquement leurs transformations investissent généralement entre 10 et 15 % de leur budget projet pour s’assurer que les collaborateurs sont prêts à adopter et à utiliser la solution — et pas seulement à la construire ou à l’implémenter. Lorsque vous opérez ce changement de posture, vous atteignez vos résultats beaucoup plus rapidement.

Corrélation entre l’efficacité de la gestion du changement et l’atteinte des objectifs

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Construire un avantage concurrentiel grâce à la capacité de changement

Le succès doit se mesurer en chiffres, pas en adjectifs. Quand un dirigeant me dit vouloir être « plus centré client » ou « plus agile », je lui demande : « Comment allez-vous traduire cela en indicateurs concrets, permettant de mesurer si nous progressons réellement ? »

En élaborant votre feuille de route stratégique, rappelez-vous que vos concurrents peuvent copier votre technologie, votre chaîne d’approvisionnement, voire votre structure organisationnelle. Mais ils ne peuvent pas copier vos modes de fonctionnement internes – votre culture. Si vous parvenez à construire une culture capable de bien gérer le changement, vous créez un avantage concurrentiel durable.

La plupart des entreprises ont des contrôles financiers, des processus commerciaux et des standards opérationnels bien définis. Mais posez la question suivante à un cadre dirigeant : « Comment pilotez-vous le changement dans votre organisation ? » Et vous obtiendrez rarement une réponse cohérente. Ce vide représente à la fois une vulnérabilité, et une opportunité stratégique.

Faire de la capacité de changement une priorité stratégique

Les organisations qui réussissent à exécuter leur stratégie considèrent la gestion du changement comme une compétence clé, à développer de manière systématique — pas comme un supplément optionnel.

Cela implique de prendre des décisions stratégiques sur :

  • La mise en place d’une méthodologie commune et d’un langage partagé au sein de l’équipe de direction
  • La création d’une infrastructure pour accompagner les initiatives stratégiques
  • Le développement des compétences internes via la certification, la formation et l’application cohérente d’une méthodologie de gestion du changement
Ce n’est pas une charge administrative supplémentaire. C’est le moyen de garantir que les investissements réalisés produisent réellement des résultats. Quand vous budgétez pour la capacité de changement, vous ne financez pas uniquement des projets : vous construisez un muscle organisationnel qui rend chaque future initiative plus efficace.

Building Competitive Advantage Through Change Capability

La décision exécutive

Chaque organisation est confrontée à un excès de changements simultanés. Nous pensons à tort qu’ajouter toujours plus de transformations produira de meilleurs résultats, mais une entreprise est comme une éponge : elle ne peut absorber qu’un volume limité à la fois.

La vraie question n’est pas de savoir si vous allez investir dans la gestion du changement. La question est : allez-vous investir de manière proactive pour réussir, ou de manière réactive pour réparer les échecs ?

En préparant vos plans stratégiques, posez-vous les bonnes questions : Financez-vous la livraison technique ou les résultats business ? Construisez-vous des solutions ou développez-vous une véritable capacité organisationnelle ?

Commencez simplement : Avant de finaliser les budgets projets de l’année prochaine, faites un audit rapide.
Examinez vos trois initiatives les plus critiques et calculez le pourcentage du budget consacré au volet humain. Si ce chiffre est inférieur à 10 %, vous planifiez une réussite technique, mais espérez des résultats business.

Le succès de votre stratégie ne dépendra pas de votre plan écrit, mais de la capacité de vos collaborateurs à l’adopter et à l’appliquer efficacement. Et le bon moment pour construire cette capacité, c’est maintenant – pendant la saison de planification – pas quand vos projets commencent à déraper.

Scott McAllister

Scott McAllister

La mission de Scott McAllister est de diriger avec succès Prosci afin de permettre aux individus et aux organisations de développer leurs capacités de changement interne grâce à des solutions holistiques, faciles à utiliser et fondées sur la recherche. Il incite son équipe à rechercher avec passion les meilleures pratiques mondiales et à aider les clients à accélérer leur réussite. Scott a passé les 15 dernières années à aider ses clients à initier des changements transformationnels en combinant stratégie, excellence opérationnelle et plateformes d'innovation. Fort de son expérience acquise sur trois continents auprès de clients issus d'un large éventail de secteurs, allant des soins de santé et des biotechnologies aux services financiers et aux télécommunications, Scott est bien placé pour diriger Prosci vers une croissance continue à l'échelle mondiale.

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